Pour lutter contre la pandémie de Covid-19, une mesure a été particulièrement difficile à vivre : la fermeture des restaurants, bars et cafés. Faisant partie intégrante de notre vie quotidienne, il était jusqu’à présent, inconcevable d’imaginer une vie sans s’asseoir à une terrasse pour siroter son expresso, boire un verre de vin, déguster une entrecôte-frites ou simplement regarder le monde défiler sous nos yeux. Pendant des mois, il aura fallu modifier nos habitudes de vie et dire au revoir à ces lieux de sociabilité et de convivialité. Après cette longue période d’absence, force est de constater que les restaurants, bars et cafés sont finalement loin d’être non-essentiels à notre vie.

 

À l’origine, il fallait juste manger

 

Pendant des milliers d’années, il n’était pas question pour l’Homme de bien manger, mais de manger tout court. La recherche de la nourriture était sa préoccupation majeure. Manger est une nécessité fixée par la nature, un besoin biologique de l’Homme.

Dans l’Antiquité romaine, apparaît l’idée de thermopolium, un lieu, à l’extérieur de chez soi, où il est possible de manger un plat chaud et de boire du vin. Au Moyen-Âge et à la Renaissance, les tavernes et auberges prennent le relais offrant un plat unique et un abri aux voyageurs. Dès leur apparition, elles s’inscrivent comme un moteur social et un lien sociétal. Kant le rappelait déjà dans ses traités philosophiques. « Si l’homme ne vit assurément pas pour manger, il ne mange pas non plus uniquement pour vivre. Le repas crée un cercle, celui des relations humaines et parlantes. »

Le premier restaurant, au sens où on l’entend aujourd’hui, fut imaginé à Paris en 1765, par Boulanger, un cafetier français. Il fut le premier à proposer des repas servis sur des tables individuelles à toute heure du jour. En Suisse, les premiers restaurants font leur apparition en 1880. À cette époque, de nouvelles tables apparaissent dans tous les pays, les services évoluent et les menus se diversifient proposant différents mets cuisinés.

De nos jours, il est courant de déjeuner le midi au restaurant notamment pour la population active. Le dîner, lui, reste un moment convivial où découverte et plaisir gustatif se mélangent, offrant ainsi une escapade hors de notre propre salle à manger. Les restaurants et les bars deviennent des espaces conviviaux où l’on retrouve ses amis, on refait le monde et on partage finalement bien plus qu’un simple repas ou un verre.

 

Pourquoi ces lieux sont-ils si importants ?

Pourquoi ces lieux sont-ils si importants

Au fil des siècles, ces lieux de vie ont porté le nom de taverne, guinguette, buvette, cabaret, brasserie, rade, bar, bistrot, troquet ou café. Mais, quelle que soit leur appellation, les restaurants, bars et cafés ont toujours tenu une place primordiale dans notre société, dans nos rapports familiaux et sociaux.

Ces lieux assurent le brassage social des populations et les échanges d’idées. Ils accueillent des discussions de comptoir, des déjeuners d’affaires ou des dîners en amoureux. Toutes les classes sociales, jeunes, moins jeunes, ouvriers ou cadres sup, citadins ou provinciaux, poussent les portes d’un café/bar ou d’un restaurant plusieurs fois par mois.

Dans ces lieux où la convivialité est de rigueur, on parle de tout et de rien. On écoute les ragots, on échange sur les nouvelles. C’est un espace refuge, un sas de décompression entre le travail et la maison. En fonction des villes, il adopte différents rôles. Il peut être tour à tour, espace de travail, office de tourisme, cabinet de psychologue, club sportif, salle des jeunes, centre social, salle des fêtes, lieu de rencontre ou salle d’attente. Dans un bar ou un restaurant, on n’est jamais seul, même s’il n’y a personne à notre table. C’est un lieu dans lequel on est en rapport avec l’autre.

 

Des lieux pour prendre le pouls de la société

Des lieux pour prendre le pouls de la société

Nous allons dans ces lieux pour boire, pour manger, pour nous réchauffer, pour nous informer, pour rompre notre solitude, pour nous retrouver, mais surtout pour sentir le cœur de la société. Au détour de conversations, de récits de vie, d’éclats de voix ou de rires, c’est tout un pan de notre communauté qui se dévoile. Dans ces lieux publics, les individus se rencontrent et se racontent. On retrouve les habitués et les voyageurs, les philosophes et les étudiants, les retraités et les routiers. Les couches sociales se mélangent sans crispation. Ils facilitent les formes de brassages entre différentes classes d’âge et groupes sociaux. Ils sont le parfait outil d’observation de nos sociétés.

 

Le restaurant, c’est toute une ambiance

Restaurant ambiance

Pendant toute cette pandémie, ceux qui ont voulu continuer à profiter des plaisirs de la table ont fait appel au service de livraison à domicile, avec une option rassurante née pendant la quarantaine « Laissez la livraison sur le pas de la porte ». Pourtant, il faut avouer qu’un plat au restaurant n’a pas le même goût lorsqu’il est livré à la maison. Quelle en est la raison ? Que manque-t-il finalement ? Le bruit environnant, le serveur qui crie la commande en cuisine, l’effervescence, les nappes à petits carreaux, les odeurs, le monde, les gens, écouter les histoires de nos voisins de table, nos amis. Une assiette dressée au restaurant et apportée à table par un serveur ne peut éveiller en nous les mêmes sensations qu’une boîte en carton livrée sur le pas de la porte.

On ne va pas au restaurant uniquement pour se nourrir. Se mettre à table ne se réduit pas à la satisfaction primaire d’un besoin physiologique. Ces endroits ne sont pas simplement des débits de boisson ou de singulières salles de restauration. Ils permettent d’être entourés, de sentir que l’on appartient à un groupe, d’offrir un lieu neutre pour des rencontres tant professionnelles que personnelles. Manger au restaurant s’avère être un moyen de communication, de partage, une activité sociale qui permet de se définir dans un groupe à l’extérieur de chez soi.

 

Le plaisir, notion phare de la restauration

Plaisir notion de la restauration

À l’origine, le repas était un plat unique dont l’objectif prioritaire était de nourrir l’être humain, d’offrir une nourriture qui tient au corps, mais absolument pas de régaler les papilles. Manger est évidemment vital à la survie de l’Homme. Mais le restaurant initie un nouveau concept, payer pour bien manger, découvrir des saveurs, consommer entrée-plat-dessert, partager un moment de convivialité autour d’un repas hors de chez soi.

Manger ne se résume plus à avaler des aliments. Cela éveille le goût, l’odeur, le toucher, la vue, les bruits, les impressions. C’est bien souvent l’occasion également d’expérimenter de nouveaux aliments, de nouvelles cuisines. C’est un acte de bien-être, qui apaise sa faim et assouvit le plaisir de tous les sens.

Le plaisir, se mettre à table, être en bonne compagnie, nous différencie fondamentalement de l’animal qui part en quête pour satisfaire son besoin et manger cru. L’Homme, lui, sait attendre, même si la faim se fait sentir, entretient des relations sociales dans ces moments privilégiés, et déguste des mets réalisés comme de véritables œuvres d’art par des chefs cuisiniers.

 

Comment définir ce qui est essentiel ?

Comment définir ce qui est essentiel ?

En 2020, une phrase inédite nous arrive de plein fouet : « Tous les services non-essentiels à la vie de nos concitoyens seront fermés ». Les Gouvernements ont jugé à notre place de ce qui était essentiel ou non à notre vie pendant cette crise. Ainsi, restaurants, bars, cafés, discothèques, cinémas, théâtres, musées, piscines, zoos, parcs d’attractions, commerces et bien d’autres, sont désormais jugés comme non-essentiels à notre vie.

Mais au final, rappelez-moi ce qui était le plus essentiel ? N’était-ce pas notre liberté ? Notre capacité de jugement ? Cette crise et les mesures prises ont eu comme effet de supprimer nos libertés individuelles et collectives. Certes, pour notre santé et notre protection. Cependant le confinement, la distanciation sociale, la limitation de nos interactions sociales ont rendu cette crise difficile à vivre et même angoissante. La fermeture de ces lieux a eu des conséquences psychologiques désastreuses sur nombre de personnes, se sentant isolées et sans repère, sans lien social, sans lieu de rencontre, sans lieu pour évacuer cette tension bien trop forte à supporter tout seul.

Cette crise sanitaire a signé la mort de nos rituels et de notre vie sociale pendant des mois. Des petits plaisirs simples qui étaient devenus indispensables sans même nous en rendre compte. En être privé, nous a permis d’en prendre toute la mesure. Dès la réouverture des bars, cafés et restaurants, promis, nous n’allons même plus râler quand le serveur mettra 20 minutes à nous apporter la carte, que la garniture de notre plat ne sera pas celle demandée ou que l’entrecôte sera servie à point au lieu d’être bleue. Nous avons hâte de vous retrouver…

 

Votre Equipe,

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